« Le journalisme à l’ère du MeToo », RSF plaide pour le soutien des journalistes travaillant sur les droits des femmes et les VBG.
Reporters sans frontières (RSF) a publié en octobre dernier un rapport exclusif intitulé “Le journalisme à l’ère #MeToo”, après l’enquête historique du New York Times qui a mis en lumière l’affaire Weinstein et lancé le mouvement #MeToo . Cette enquête journalistique a amorcé un tournant dans la manière dont le journalisme mondial aborde les questions de genre, les violences sexuelles et la place des femmes dans la société. Le rapport de RSF publié le 21 octobre 2024 met en évidence l’impact considérable de cette révolution médiatique, tout en soulignant les dangers persistants auxquels sont confrontés les journalistes qui enquêtent sur ces thématiques.
Criminalisation du cyberharcèlement et la mise en place de dispositifs pour protéger les journalistes victimes de ce phénomène, mobilisation des plateformes numériques pour lutter contre les violences en ligne et soutenir les journalistes menacés, création de postes de responsables éditoriaux spécialisés sur les questions de genre dans les rédactions pour améliorer la couverture médiatique de ces enjeux, voilà entre autres les recommandations formulées par Reporters Sans Frontières dans son rapport intitulé « Le journalisme à l’ère du MeToo ».
Ce mouvement né en 2017 aux États-Unis, a déferlé sur le monde entier, adoptant diverses déclinaisons dans près de 113 pays. De #EuTambém au Brésil à #Masaktach au Maroc, en passant par #WoYeShi en Chine, ce sont plus de 40 hashtags et mouvements qui ont permis de libérer la parole sur les violences sexistes et sexuelles rapporte RSF. Selon l’enquête de RSF, plus de 80 % des 113 journalistes interrogés affirment que les sujets liés aux droits des femmes et aux violences de genre sont aujourd’hui mieux couverts dans les médias qu’auparavant. Cette évolution a permis l’émergence de nouveaux médias et de nouvelles voix, tout en rendant plus visible la réalité des violences faites aux femmes. RSF note également que le mouvement #MeToo a permis l’émergence de nouveaux modèles de journalisme et de médias spécialisés dans les droits des femmes qui ont pris à bras-le-corps ces questions et ont su toucher de nouvelles audiences. Les journalistes spécialisés dans les droits des femmes sont aujourd’hui plus visibles, et les bonnes pratiques journalistiques se multiplient, avec l’adoption de chartes éthiques et la mise en place de rédactions plus inclusives et plus sensibles aux problématiques de genre.
Bien que le nombre de reportages sur ces questions ait considérablement augmenté, la couverture médiatique reste marquée par une répression féroce, en particulier dans les régimes autoritaires. Les journalistes qui s’emparent de ces sujets sont souvent confrontés à des menaces, à des attaques physiques, à des cyberattaques et, dans certains cas, à des détentions arbitraires ou même au meurtre. Plus de 25 % des journalistes sondés par RSF estiment que leur travail sur ces questions les expose à des risques majeurs. Cette situation est particulièrement inquiétante pour les journalistes femmes qui, en raison de leur double vulnérabilité, sont souvent les cibles prioritaires des intimidations.
Parmi les cas les plus tragiques recensés par RSF, on trouve l’emprisonnement de journalistes en Afghanistan sous le régime des talibans, ou encore la répression des journalistes iraniennes et russes qui font face à des violences physiques et psychologiques pour avoir couvert des sujets liés aux droits des femmes et aux violences sexistes. Pour Anne Bocandé, Directrice éditoriale de Reporters sans frontières « même si les avancées sont indéniables, la répression violente à l’égard des journalistes spécialisés dans les droits des femmes et les violences de genre reste un problème majeur”. Elle poursuit et estime que ce rapport souligne l’importance d’agir pour garantir que ces journalistes puissent continuer leur travail sans craindre pour leur sécurité. Anne Bocandé de plaider par ailleurs pour une mobilisation mondiale pour mettre fin à cette violence systémique et protéger le droit à l’information.
C’est dans ce contexte, que l’organisation appelle à l’adoption de mesures concrètes pour protéger les journalistes travaillant sur ces sujets en formulation seize (16) recommandations à destination des gouvernements, des autorités judiciaires, des plateformes numériques et des rédactions pour garantir la liberté de l’information sur les violences de genre et les droits des femmes, sans crainte de représailles.
Malgré ces avancées significatives, il est clair que des défis de taille demeurent pour garantir une couverture médiatique libre et indépendante des violences de genre. RSF appelle donc les États et leurs autorités judiciaires à prendre des mesures concrètes pour garantir la sécurité des journalistes et à œuvrer pour un environnement dans lequel la liberté d’informer peut prospérer, sans crainte de représailles.
Rapport à lire sur rsf.org